La place manquant pour publier dans notre « petite feuille France » toutes les traductions de poèmes de Claudio Willer dont nous disposions, nous voudrions faire profiter ici de trois pièces supplémentaires : :
LA PLAGE DANS L’ILE
c’est comme ça que j’aime : personne alentour
juste le matelas de sable doux
étalé entre les dunes
où les efforts pour marcher
transforment les pas en mouvements courbés
vers le chaudron
où se débat le cordage fumant
labyrinthe de convulsions
vide traversé de spasmes
nœud de tentacules d’écume, de courant polaire
et les mains de la glace
qui serrent la gorge et glissent sur le ventre
flammes de mer, crochets enfoncés dans le dos
pour nous traîner au fond
– pénétrer dans cet abîme
c’est naviguer sur le dos de la mort
transformer la conscience
en carrefour de tourbillons –
mais, pourtant
nous ne sommes pas d’ici
nous venons de très loin
pour trouver la dernière plage déserte
sur la côte océanique de l’île
encerclée de murailles de vent et de clarté
où des couvertures d’embruns
s’étalent sur nos corps
doucement adossés
sur la peau dorée du temps
(Traduction : Luciano Loprete)
JE M’APPROCHE
je
traverse un filtre d’embruns
je recueille des ondes la symétrie de ce poème
des nuages se déchirent dans un dernier combat de
couleurs
tandis que la mer
(rivière plus indomptable)
respire pesamment
en me dépassant
avec la lenteur
solennelle des processions de barques
[religieuses
[religieuses
déployant sa couverture de nuit
étouffant dans le fond les feux
allumés aux
clairières où les noyés essayent de
[réchauffer leurs mains
la présence
humaine est murmure et solitude
il ne reste que ces deux cargos
ombres découpées
sur le lointain
deux bateaux – deux
points
voix solitaires
insignifiantes et nulles
plongeant dans le
vide grisâtre
et ce voilier
tache agitée sur
une carte de négations
glissant rapide vers son heure nocturne
l’humain recule une
fois pour toutes
maintenant tout
est distance et vide
mots et paysage se
dissolvent
il ne reste plus
que l’autre
tout ce que l’on
n’est pas
tout ce qui nous
paraît étrange
comme un texte
creux de mémoire
vive
trame obscure des
rendez-vous amoureux
le négatif de notre monde de coordonnées terrestres
avec son sourd
murmure de sources innombrables
(Traduction : Luciano Loprete)
VISITEURS
4
notre espace
est
l’espace du terrible
le marécage
balayé
par des vents tièdes
traversant le
chant des roseaux
et la nuit
définitive et
le cri pétrifié
pénétrons lentement
dans ce jardin de
refus
où le mot cherche l’espace
où le mot cherche l’espace
il n’y a plus grand signe de vie
sur la face de
cette planète
peut-être y a-t-il
un lieu
où l’on entend
encore le souffle du vent dans
[les arbres
[les arbres
des voix
lointaines emplissant les vallées
des aboiements sur
un versant perdu de
[montagne
[montagne
devenons plante
racine
ou minerai brut
pour qu’il nous
soit possible d’entretenir
[des conversations
[des conversations
(Traduction : Rafael Lucas)
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