1 décembre 2012

« Qui ne recherche pas le sentiment, le sentiment réel ? »


Comme nous le redoutions, nous n’avons pas pu franchir la mer avec notre compagnon à quatre pattes. Il rejoindra seul cette mystérieuse jeune femme qui semble l'attendre sur une lointaine plage du Nord.

Le Cheval boiteux cesse donc de paraître. Nous avons tenu à montrer la couverture du quatrième numéro pour boucler une série suivant le rythme des saisons. Ce numéro devait être tout dédié au « sentiment réel ». Ce sont les deux mots ( « real feeling », cf. Où vas-tu, étrange animal ?) que les deux héroïnes de Shirley de Charlotte Brontë emploient pour exprimer leur goût en matière de poèmes.

Le « sentiment réel ». Voilà qui sonne comme une formule, un mot d'ordre ! Un mot d'ordre qui pourrait servir à lutter contre le superficiel , le spectaculaire et le frelaté qui règnent plus que jamais en maîtres dans nos sociétés de consommation où le recueillement tout autant que la restriction résonnent chez beaucoup comme des idées insolites.

Nous aurions aimé que notre revue continue d'explorer le « sentiment réel » tel que Charlotte Brontë ainsi que sa petite sœur moins prisée, Anne, l'ont fait briller à nos yeux au cours des derniers mois, mais l'insuccès et le manque de moyens ont provoqué notre découragement.

En vue de l’année prochaine, nous avions le projet de célébrer, avec tous les honneurs et tout l’art en notre mesure, le 250ème anniversaire de la naissance d'un auteur jadis fort prisé au lectorat à présent restreint, Jean Paul, le père (allemand comme son nom de plume – adopté en hommage à un certain Jean-Jacques – ne le signale pas) du Doppelgänger, autrement dit de la figure du double. Que nous exprimions au moins à cette triste heure notre respect et notre attachement pour lui (et ses avatars) avant de vous quitter sur les vers d'un autre auteur méconnu par chez nous des terres septentrionale :
  
Et la divine voix n’apaisa point l’orage,
Nulle étoile propice au ciel ne se montra,
Quand, seuls et délaissés, nous perdîmes courage,
Et que chacun de nous dans le gouffre sombra.
Mais moi, submergé par une mer plus profonde
Que celle qui bientôt l’engloutit sous son onde.
                                                        
William Cowper, Le Naufragé

 Adieu donc !

J. Ange

1 septembre 2012

Où vas-tu, animal étrange?


Cet hiver, tu as abandonné ton cavalier pour aller ton chemin à travers le froid, puis la douceur du printemps, et maintenant la chaleur de l’été. Nous qui te suivons te voyons arborer un sourire. Quels songes fais-tu ? Si jusqu’à présent nous n’aurions pu dire si tu allais au gré de l’aventure ou en direction d'un lieu, il nous apparaît que nous montons insensiblement vers le Nord. Qu’y a-t-il là-bas ? En viens-tu ? Y a-t-il quelque chose, quelqu’un que tu veux retrouver ? Nous te considérons, toi qui demeures muet, et nous t’envions, nous craignons que ta destination ne soit pas la nôtre, que notre accord se brisera sur une frontière que toi tu peux franchir et pas nous !

Voilà où, de façon sibylline, nous en convenons, nous en sommes avec notre petite entreprise et le bouclage de notre troisième numéro. Notre programme, évolutif et dont nous nous plaisons à faire une histoire au fil du temps, se précise. Comme les Suisses dans Guillaume Tell de Schiller qui se dressent contre la tyrannie par cette simple exhortation : « Liberté ! Liberté ! », nous aimerions scander les deux mots qui nous agitent tant depuis quelques temps, mais nous les garderons encore un peu pour nous. Nous les avons trouvés dans un roman écrit par une romancière connue de tous, Charlotte Brontë dont l’œuvre, découverte seulement cette année pour notre part, nous a touchés profondément. Ce roman n'est point Jane Eyre mais le beaucoup moins lu Shirley où les deux mots que nous sommes venus à chérir sont prononcées au cours d'une conversation sur la poésie entre deux jeunes filles étouffant dans le carcan féminin.

Le troisième numéro du Cheval boiteux est consacré en grande partie à cette fresque sociale se déroulant au début du XIXe siècle dans un Yorkshire déchiré par les progrès de l'industrialisation et la conduite à tenir face à la menace que fait peser Napoléon sur l'Angleterre.

Comme nous l'avons déjà laissé entendre, Charlotte Brontë y traite aussi de la condition subalterne des femmes. À ce sujet, elle fait si bien vibrer les pages de son roman que nous avons cru entendre un appel auquel nous avons eu le désir de répondre, malgré nos dons inférieurs, malgré que cela soit tard pour le faire, à travers une nouvelle figurant en supplément spécial au numéro en sus d'une tentative d’analyse du roman lui-même.  

Au sommaire donc du troisième numéro du Cheval boiteux :

  2 : À la fenêtre.
  3 : Dans la valise.
  4 : Franchir la porte avec Charlotte Brontë et Shirley.
  8 : Des chiens écrasés (et des autres) – Sans chute mais mortel.
10 : Siegfried Meister, philosophe – Les Tracasseries du promeneur solitaire.
12 : Les carnets d’une bibliothécaire – Un casse-pied.
15 : Le Pain quotidien de la conscience.
Encart central : De l’autre côté de la fenêtre.

J. Ange

14 juillet 2012

Exposition L'Humanité à Lausanne

Cette grande exposition, que nous avons annoncé dans notre dernier numéro, s’est ouverte hier vendredi au Palais Beaulieu et durera jusqu’au dimanche 19 août. Organisée par Sophie Orlic, elle a pour thème le désarroi existentiel que traverse notre époque. En suivant un parcours labyrinthique, les visiteurs pourront découvrir les œuvres (peintures et sculptures) expressives, voire torturées, de 21 artistes parmi lesquels Olivier de Sagazan et Lydie Arickx – ainsi que notre chère collaboratrice Astrid Buehrle !



J. Ange
(Crédit photo : idem)